Un nouveau Grand Chef en Hiskvargd

Ragnar, le secrétaire particulier du Grand Chef (qui restait quant à lui toujours Grand Shinay de la guilde Celerna-Ilonë), s'avança en son nom au milieu de la place centrale qui occupait l'essentiel de la cour intérieure du château.
Tandis que cessait enfin le vacarme assourdissant que provoquait la cacophonie d'une centaine de Nordiques s'époumonnant sans rytme dans des estomacs de rennes (pas tous vidés, d'ailleurs...), il s'écria d'une voix forte et audible pour tous :

- "Mes chers Hiskvargdiens ! Notre..."
Il s'interrompit et se tourna, en lui adressant un regard lourd de menaces, vers un garde qui, manifestement inspiré par l'évènement, continuait de souffler dans son instrument.
Ce dernier, remarquant enfin le silence qui se faisait autour de lui (ou sentant les violents coups de coude que lui adressèrent simultanément ses deux proches voisins), cessa immédiatement de souffler dans l'estomac et tenta de ramener discrètement celui-ci derrière lui, tout en évitant soigneusement d'appuyer sur l'outre gonflée d'air pour éviter tout nouveau bruit intempestif...

- "Hum. Je disais donc..." , reprit le secrétaire, visiblement quelque peu énervé par l'incident ayant troublé la clarté de son annonce, et réduit à néant ses effets : "Mes chers Hiskvargdiens !
Notre Grand Chef Ulrik-le-fort a réalisé ce triste constat pour lui-même : son âge avancé, bien que n'ayant en rien entamé sa capacité à administrer son royaume, est en revanche désormais un handicap concernant sa capacité à mener nos valeureuses troupes au combat."

Ragnar continua :
- "Son rhumatisme le gêne lors de ses longues chevauchées pour se rendre d'un bout à l'autre du royaume, son arthrose le handicape lorsqu'il brandit sa lourde hache, sa vue vacillante l'amène parfois à confondre capitaines de la garde et gourmandes concubines, sa mémoire défaillante lui fait oublier...
Hum.
Sa grande clairvoyance et son innénarable sagesse l'ont donc amené à se retirer de ses fonctions de Grand Chef d'Hiskvargd.

Le secrétaire reprit longuement sa respiration, mesura l'effet de sa présentation sur son auditoire et en profita pour se demander, intérieurement, si la peu glorieuse description qu'il venait de faire des soucis physiques de son Grand Chef n'allait pas lui coûter quelque vive réprimande (au mieux) de la part de ce dernier...
Secouant la tête pour chasser de son esprit cette sourde crainte qui venait de s'y infiltrer, il reprit :

- " C'est pourquoi, en accord avec nos coutumes et en vertu de nos traditions, une série d'épreuves va être organisée pour déterminer l'identité de son successeur à la tête du royaume.
Que ceux qui sont interessés s'avancent et se fassent connaître !"

Il se tût alors et observa attentivement l'attroupement d'Hiskvargdiens qui l'écoutait.

L'un d'eux sortit de la foule et s'avança calmement à sa rencontre.
Sa haute stature et son allure altière démontraient indubitablement la profonde confiance qu'il avait en lui lorsqu'il prit la parole :

- "Je suis Lothar-le-fier. Et je souhaite participer à ces épreuves.
Je mettrai toutes mes capacités et mon plus entier dévouement au service du royaume."

- "Bien. Tiens-toi donc à ma droite, et attend."

Un silence pesant suivit alors que Lothar prenait place aux côtés du secrétaire. Il continua pendant de longues minutes, à peine troublé par différents murmures, murmures desquels une oreille attentive aurait pu distinguer ces propos : "Mais vas-y !" "Pourquoi t'y vas pas, toi ?" "Vas-y toi-même, hé !", etc.
Devant la gêne manifeste de l'assistance, et considérant le fait que des épreuves ne comprenant qu'un seul candidat n'attireraient guère d'attention de la part des Hiskvargdiens et décrédibiliserait d'autant la future autorité dont devait pouvoir disposer le futur Grand Chef du royaume, Ragnar insista :

- "Hum ! Je rappelle, aux éventuels indécis, les caractéristiques du poste à pourvoir… En tant que dirigeant du royaume d'Hiskvargd, vous êtes propriétaire :

- D'un royaume de près de cinq cent mille hectares, situation septentrionnale, exposition Nord avec entrée maritime à l'Ouest, des paysages magnifiques comprenant une multitude de nuances entre les étendues enneigées et les forêts de conifères qu'arborent nos fières montagnes (enfin au moins deux ou trois nuances),

- D'une multitude de ressources naturelles, exploitées ou exploitables : nombreuses forêts de sapins, hardes de rennes en abondance migrant sur tout le territoire, minerais aurifères et de fer décelés dans les montagnes des Cartes à l'Est,

- D'une armée de plus de dix mille hommes vaillants, prêts à mourir pour vous défendre,

(à ce moment là, dans l'assistance :
"Euh… Elle est où, cette armée ?"
"Idiot, c'est nous, cette armée !"
"Ah bon ? … Euh, on est prêts à mourir pour le Grand Chef, alors ?"
"…")

- D'un château en notre capitale d'Hisk, très beau bâtiment, soixante-dix pièces habitables en surface comprenant chambres, bibliothèque, salons, bureaux, salles de gardes, cantines, entrée spacieuse impressionnante (et même une salle d'eau), ainsi que de nombreux espaces aménagés au sous-sol : oubliettes, cachots, passages secrets, pièges pour dissuader les intrus…

- De multiples forts, tours de défense et aménagements militaires disposés sur tout le territoire, au niveau des points névragiques et stratégiques du royaume,

(à ce moment là, dans l'assistance :
"Euh… Il parle de la cabane en bois abandonnée sur les monts des Cartes, là ?"
"Bah oui… Comme si ça pouvait être autre chose ! On a pas d'autres aménagements militaires, de toute façon." )

- D'un accès privilégié au temple de Celerna-Ilonë, avec droit de consulter les archives des plus grands sages de la guilde [note du rédacteur : c'est d'ailleurs ce que vous autres veinards êtes en train de faire si vous lisez ceci] et de s'entretenir avec le Grand Shinay. Vous pourrez également participer, au nom du royaume, aux décisions de la guilde."

Seul un silence pesant répondit à la pause que fit le secrétaire dans cette énumération...
Manifestement, tous ces attributs du pouvoir ne semblaient pas suffisament motiver les éventuels prétendants au trône.
Ragnar s'interrogea quelques instants :
"Seraient-ils donc devenus si sages en une génération, grâce à l'enseignement de la sagesse que leur a procuré notre Grand Chef, qu'ils ont déjà perdu tout attrait pour le pouvoir et les signes extérieurs de pouvoir, d'opulence et de gloire ?
Ou bien sont-ils tout simplement effrayés à l'idée d'avoir à concourir dans des épreuves qui ont connus, aux précédentes éditions, un taux de mortalité particulièrement élevé ?
Quoiqu'il en soit, il n'est pas concevable que, faute de candidats, les épreuves n'aient pas lieu..."

Le secrétaire avança alors son dernier argument, ne doutant pas que celui-ci saurait convaincre les éventuels indécis :

- "Vous disposerez également d'une centaine de blondes et pulpeuses Valkyries, dévouées corps et âmes à votre personne, à la fois fougueuses au combat et dociles au château…"

Coups de coudes et clins d'œils complices et entendus se multiplièrent dans l'assistance…
Finalement, quatre personnes sortirent de la foule et se présentèrent tour à tour à Ragnar.

Le premier individu, de petite taille pour un Nordique et cachant mal sa nervosité, se présenta :

- "Je suis Hilfür-le-chétif. Euh… Je participe, moi aussi.

- Hum, bien. Place-toi à ma gauche."

Le second, un colosse brun duquel émanait une splendide impression de puissance brute, se présenta à son tour, de sa voix rauque et éraillée qui laissait deviner, à quelques tonneaux près, sa consommation mensuelle de boisson fortement alcoolisée :

- "Ma… Malthus-le-brutal."

- "… Très bien. Installe-toi à côté de Lothar, ici."

Le troisième s'avança et bafouilla au secrétaire :

- "Euh, non, moi je veux pas participer, c'est Erik, là-bas, qui m'a poussé. Mais en fait je veux pas, je tiens à la vie, j'ai une femme et des enfants, je veux pas, je vous en prie, laissez-moi m'en aller, je vous en supplie, vous pouvez pas me faire ça, je suis encore jeune et plein d'avenir, j'ai pas envie de me faire massacrer, pitié !"

Ragnar resta sans voix devant la prestation de ce pauvre bûcheron, manifestement victime d'une mauvaise farce d'un de ses amis et qui venait de terminer sa supplique à genoux devant lui. Ne sachant tout d'abord comment réagir pour ne pas couvrir cette solennelle cérémonie de ridicule, il lui répondit enfin :

- "Par delà même tes suppliques, je n'ose imaginer quelle image renverrait notre si glorieux royaume si tu parvenais à en devenir le représentant aux yeux des autres seigneurs de Dragostina...
Va-t'en vil cloporte !"

Le dernier postulant s'approcha enfin, croisant ainsi le chemin du précdent courant à toutes jambes se réfugier dans l'anonymat bienfaisant de la foule qui observait la cérémonie, anonymat qu'il n'aurait jamais dû quitter, d'ailleurs...
Mais déjà, d'une voix sèche et impérieuse, le nouveau candidat annonça :

- "Kithmar-le-sombre. Je concours pour le poste de Grand Chef."

- "Bien, à ma gauche, avec Hilfür."

Une dernière petite pause... Pas de mouvements dans l'attroupement de Nordiques qui scrutait attentivement les visages et allures des quatres qui avaient osé s'inscrire aux épreuves.
Dès lors, Ragnar, considérant que les inscriptions étaient closes, reprit :

- "Bon, les épreuves vont alors pouvoir commencer !"

Il annonça alors le détail des réjouissances prévues pour les candidats, tous manifestement trop jeunes pour avoir connu les épreuves ayant conduit Ulrik-le-fort à prendre les rênes du royaume, et n'ayant eu que la transmission orale de quelques anciens pour savoir de quoi ces dernières étaient composées...

- "Je m'en vais énumérer ici le déroulement des épreuves, leur contenu et les règles qui nous permettrons de déterminer quel sera le prochain Grand Chef en Hiskvargd.

Tout d'abord, je tiens à préciser que ces épreuves sont les mêmes depuis les six derniers dirigeants de l'Hiskvargd, l'épreuve du "Plongeon de la falaise" instaurée par Ragnar-le-vil ne lui ayant pas donné de successeur l'année où elle fut testée... Il y aura donc cinq épreuves.
Chacun des participants doit obligatoirement concourir à toutes les épreuves. Tout abandon est éliminatoire.
Cinq points sont accordés au vainqueur de chaque épreuve, trois points sont accordés au second et un point viendra récompenser le troisième.
Aucun point ne sera accordé en cas d'échec (mais de survie) à l'épreuve.
Et celui des candidats qui aura le plus de points à l'issue de l'ensemble des épreuves, sera désigné comme étant le nouveau Grand Chef du royaume d'Hiskvargd.

Ces épreuves seront, dans l'ordre :

- L'épreuve de vitesse-endurance :
Afin de déterminer la capacité du futur Grand Chef à tenir physiquement en cas de campagnes de guerre longues et harassantes.
Chaque candidat se voit enduit de lichen sur la tête et de mucus de femelle de renne en rut sur le dos. Il doit alors parcourir plusieurs hectares de terrain offrant de multiples reliefs, après que l'on ait lancé dans le secteur trois vigoureux rennes. S'il parvient aux murailles de la capitale, l'on compte alors le temps mis pour y arriver pour établir le classement.

- L'épreuve d'agilité :
Afin de s'assurer que le Grand Chef saura, pour le bien du royaume, esquiver les coups mortels qui interrompraient prématurément son règne.
Chaque candidat a les yeux bandés et est balancé dans le torrent sauvage qui coule sur la paroi ouest du mont des Cartes.
La rapidité du candidat, une fois franchie la cascade (et, si possible, évités les différents affleurements rocailleux sur lesquels coule ce torrent), à se relever et à crier : "Pour l'Hiskvargd !" déterminera son rang au classement de l'épreuve.

- L'épreuve de "sensibilité" :
Afin de s'assurer que le Grand Chef saura émouvoir la gent féminine et ainsi s'assurer de meilleures chances lors des négociations diplomatiques pour le bien du royaume.
Chaque candidat se doit d'écrire une lettre ou un poème étant en mesure d'émouvoir jusqu'aux larmes un jury composé de cinq femmes de bûcherons des monts des Cartes. Une demie journée et trois essais leurs sont accordés.
Là encore, le temps mis pour y arriver déterminera le classement.

- L'épreuve d'adresse et de force physique :
Afin de s'assurer que le Grand Chef sait manier l'arme traditionnelle Hiskvargdienne et peut impressionner ses adversaires par sa présence physique.
Chaque candidat devra, muni d'une cognée, abattre un conifère encore robuste, ayant la circonférence d'au moins la mesure du ceinturon de l'ancien Grand Chef.
Il ne devra pas abattre deux fois sa cognée à un endroit différent du premier coup porté sur l'arbre. Et, une fois ce dernier abattu, devra le soulever de manière à ce que les deux extrémités de l'arbre ne touchent plus le sol.
La rapidité, etc. (manifestement, le secrétaire en avait assez de lire les formules répétitives inscrites sur le long parchemin qu'il avait dans les mains)

- l'épreuve de combat :
Afin de s'assurer que le futur Grand Chef saura montrer sa détermination et son habileté au combat à main nues.
Une série de combat opposant entre eux les différents candidats (suivant un ordre déterminé par l'organisateur des épreuves -donc moi) aura lieu. Le nombre de confrontations dépendant du nombre de candidats, et si possible sous la forme d'un tournoi pour déterminer le classement de cette épreuve."

Manifestement, Hilfür-le-chétif n'était pas au courant du détail des épreuves au moment où il s'était avancé pour s'inscrire à ces dernières... Le visage blême à l'issue de la description qu'en avait faite le secrétaire, chacun put voir les jambes du petit Nordique flageller sous lui.
Néanmoins, il ne dit ni ne fit rien qui pût être interprété comme un signe de renoncement (si l'on ne considère pas la prière silencieuse qu'il adressa à ce moment à ses aïeux comme tel).

Alors que Ragnar allait annoncer les préparatifs pour la mise en place de la première épreuve, un Nordique imposant s'avança calmement en sa direction.
Un peu gêné par ce qui promettait d'être une interruption dans le déroulement jusque là si bien ordonné de la cérémonie (il se félicitait d'avoir réussi à énumérer, sans faillir et sans être une seule fois interrompu, une à une toutes les épreuves, et ce face à un public qu'il connaissait pourtant dissipé), le secrétaire héla l'inconnu :

- "Halte là, mon brave ! Ne peuvent s'approcher de cette zone que ceux qui participent aux épreuves.

Mais l'autre, loin de se départir de son calme, lui répondit simplement :

- "Je participe aux épreuves.

- … Hum… Bien, je n'ai pas officiellement clos les inscriptions, je peux donc t'ajouter à la liste des prétendants.
Quel nom dois-je inscrire sur le registre ?

- Hymir.

- Hymir...", épela-t'il consciencieusement tandis qu'il notait ce nom sur la feuille, "Hymir comment ?

- Hymir sans suffixe ne vous suffit-il pas ? Vous n'en n'avez point vous-même", répondit l'intéressé, prenant soin toutefois de ne laisser transparaître aucune animosité ou ironie dans le ton qu'il employait.

- "Certes, certes…

- Mais sinon, vous pouvez rajouter, au choix : "l'éclate-tibia", "le-loup-enragé", "le-sans-pitié", "la-terreur", "votre-pire-cauchemard" ou encore "le-renne-en-rut", en fonction des circonstances."

Le dernier suffixe proposé permit la réapparition des sourires sur les visages des autres candidats et des Hiskvargdiens qui assistaient à la scène. Quelques commentaires fusèrent alors parmi la foule :
- "Il a oublié "le-vantard", l'autre !"
- "Bah, t'as vu sa carrure ? C'est peut-être pas du bluff, après tout."
- "De toute manière, on le verra vite… La première épreuve donnera déjà de sérieuses indications sur les candidats !"

- Hum… Bien, je ne noterai donc pas de suffixe. Rangez-vous sur ma droite.

Tandis que le nouvel arrivant obtempérait, le secrétaire se permit d'ajouter, en direction de la foule :

- Y-a-t'il d'autres personnes désireuses de participer aux épreuves ?
Non ?
Bien, je clos les inscriptions. La première épreuve va bientôt pouvoir commencer."

L'Epreuve de vitesse-endurance :

[Le soir venu, dans une forêt située à dix kilomètres de la capitale Hisk]

Le secrétaire prit une longue inspiration... Les cinq candidats étaient là, en face de lui, et quelques badauds observaient la scène avec attention (la majorité des Nordiques étaient quant à eux sur les remparts de la ville, à l'endroit où se tenait la ligne d'arrivée). Sur la droite du groupement avaient été établis en hâte deux enclos : le premier contenait une dizaine de femelles rennes en chaleur, l'autre contenait quinze rennes mâles en rut.
Tous, dans leurs enclos respectifs, piaffaient d'impatience et manifestaient violemment leur frustration de ne pouvoir accomplir ce que leurs partenaires respectifs attendaient... Les mâles étaient retenus près des barrières par de lourdes chaînes, afin d'éviter qu'ils ne se blessent entre eux avec leur longs bois.
Toutefois, malgré ces précautions, on pouvait observer de nombreuses eraflures sur les peaux des bêtes ainsi que les profondes entailes qu'ils se faisaient au cou par les efforts démesurés qu'il entreprenaient pour se libérer de l'étreinte metallique... Et pas moins de treize Nordiques avaient déjà été blessés (dont un mourrait certainement de ses blessures) après avoir travaillé à la mise en place de cette épreuve.
Le secrétaire prit alors la parole :

- "Le hasard, via ce jeu d'ossements, a déterminé l'ordre de départ des candidats pour cette épreuve :
En premier partira Hylfür-le-chétif. Le second à partir sera Hymir. Le troisième Kithmar-le-sombre. Lothar-le-fier sera le quatrième et enfin Malthus-le-brutal sera le dernier à tenter l'épreuve.

Evidemment, l'ordre de passage influe, vous vous en doutez bien, sur la difficulté de l'épreuve : le dernier à passer aura non-seulement vu les rennes mâles être excités plus longtemps par la présence des femelles, mais en plus encourt le risque que les mâles relâchés pour le candidat précédent n'aient pas été capturés avant que ne soit donné le moment de son départ... Donc bien plus de trois mâles rennes en rut en perspective dans la forêt. Je n'ai pas besoin d'en dire beaucoup plus.

Je vous rappelle que nous sommes environ à une heure, en course effrénée, des murailles d'Hisk, au pied desquelles sera jugée terminée l'épreuve pour le candidat qui les atteindra. Il vous faudra pour cela parcourir la forêt qui se trouve devant nous, vous aurez alors un ruisseau à traverser, puis une colline à gravir et enfin une dernière petite forêt vous séparera de l'arrivée.
Pour terminer, le temps mis par chacun d'entre vous à parcourir cette distance déterminera votre classement dans cette épreuve.

Des questions ?
Non ? Bien, que l'épreuve commence !
Premier candidat : Hilfür-le-chétif."

Le petit Nordique, tremblant un peu, s'avança en direction du secrétaire.
Hilfür songeait surtout que, si le fait de passer en premier venait d'être décrit comme un avantage par Ragnar, ce dernier n'avait pas mentionné le lourd inconvénient que cet état comprenait... A savoir, le premier à concourir à cette épreuve ne savait absolument pas en quoi elle consistait, de manière concrète.

Aussi observa-t'il avec angoisse un Nordique entrer dans l'enclos des rennes femelles. Tenant un bâton recouvert de fourrure à la main, il s'approcha d'une femelle agitée. Passant derrière elle, il frotta l'ustensile sur l'animal, de manière à ce que ce dernier soit recouvert des odeurs de la femelle.
Il répéta ensuite la même opération avec une seconde femelle, terminant d'enduire la fourrure d'une forte odeur...
Odeur qui aurait comme caractéristique principale d'attirer, et ce de très loin, tout renne mâle un tant soit peu intéressé par la reproduction de son espèce l'hûmant.

Hilfür bégaya, voyant l'homme au bâton s'approcher de lui :

- "Euh... Nan, mais nan... Là, nan... Là, finalement, nan... Les Valkyries, le château, les honneurs, tout ça... En fait, non.

- Allons, allons !", le reprit Ragnar, "Comme s'il était possible d'abandonner la série d'épreuve en cours !
Le seul moyen qui existe d'abandonner réside dans le fait d'être en incapacité physique de concourir... Ce qui n'est manifestement pas (encore) ton cas.

- Ah ? C'est le seul moyen ?" Hilfür se prit la tête dans les mains, prenant une attitude pensive tandis que le Nordique préposé au bâton commençait à le recouvrir de l'odeur récupérée sur les femelles... "Bon, bah alors on va y aller, hein... J'ai rien à perdre." conclut-il d'un air las et désabusé.

S'étant laissé barbouiller les cheveux et les vêtements sans broncher (il avait néanmoins manifesté par des gestes nerveux sa désaprobation alors qu'il sentait l'autre Nordique déposer un peu plus d'odeur qu'ailleurs sur son séant...), il entendit Ragnar lui crier :

- "Ca y est ! C'est parti ! Aux murailles de la cité, désormais !

Et, tandis que le pauvre Hilfür partait en courant comme un lièvre sur lequel se serait abattue la foudre, le secrétaire rajouta :

- "Et surtout... Bonne chance.
Bon, lâchez les mâles, maintenant..." adressa-t'il comme instruction aux préposés à l'enclos des rennes mâles.

Ces derniers s'éxécutèrent, manoeuvrant habilement afin d'éviter que les mâles ne soient perturbés par la présence des autres femelles dans l'enclos longeant le leur ou par les autres mâles encore enfermés.
Les tapant vigoureusement sur le derrière pour les envoyer en direction de la forêt (dans laquelle venait de s'engouffrer, quelques instants auparavant, le pauvre Hilfür), ils lachèrent enfin les brides métalliques et chacun put observer les trois mâles foncer à toute allure, mais tête et bois levés, dans la direction qu'avait prise le premier candidat.