Départ...

Le ciel était encore sombre. Dans quelques heures toutefois le soleil se lèverait et l'aurore illuminerait la vallée des étoiles d'un feu rouge et ardent.
Alors le Temple de la Sagesse se réveillerait.

Mais Lauralis serait déjà loin.

Vérifiant une dernière fois les sangles de son cheval, elle fit l'inventaire mental de ce qu'elle emportait. Peu de choses en vérité. Juste de quoi aller à sa destination.
Elle monta en selle et avança au milieu des jardins du temple. Parvenue au bout du sentier, elle se retourna une dernière fois vers celui-ci.

Tant d'années passées ici... Pour partir maintenant comme une voleuse.
Elle essuya une larme. Ils ne comprendraient pas. Ils n'étaient pas amazones.

Avec détérmination, elle tourna la tête et poussa son cheval en avant. Il était temps...

Quand les premiers mokis s'éveillèrent, Lauralis avait passé le col et redescendait déjà les montagnes...

Le Grand Shinay contemplait l'horizon, une main posée sur le pommeau de son épée.
Il avait laissé son cheval un peu en retrait et se tenait seul sur le promontoire qui surplombait une grande partie de la vallée. L'heure était bien matinale et l'aube rendait au paysage ses couleurs les plus chatoyantes.

"Décidément, pensa-t-il, ce lieu aux mille couleurs est le plus bel écrin qui soit pour abriter le Temple de la Sagesse..."

Mais si le Nordique en était arrivé à se concentrer sur les différentes nuances qu'arboraient les rayons du soleil, c'était pour ne point laisser vagabonder son esprit à d'autres pensées.
Ragnar l'avait en effet averti du départ de Lauralis durant la nuit. Et cette nouvelle avait plongé le vaillant Nordique dans un état de tristesse qu'il n'avait que rarement connu.
Même au plus fort des situations difficiles qu'il avait pu connaître durant sa désormais longue carrière de dirigeant de royaume puis de guilde, il avait toujours eu foi dans ses capacités à surmonter les différents obstacles qui se présentaient à lui. Parce qu'il se savait fort et vigoureux mais aussi parce qu'il avait su forger des liens solides avec nombre de seigneurs de Dragostina.
Et Lauralis, la Tianka du Temple et représentante d'Hyperboréa était de ceux-là.

"L'âge, sans doute..." maugréa-t-il. "Si en plus j'en viens à devenir mélancolique, alors rien ne va plus !"

Scrutant de ses yeux fatigués les différentes voies qu'il imaginait l'amazone susceptible d'emprunter pour quitter la vallée, il espérait la voir une dernière fois...
Làs... Ses yeux le trahissaient. Ou bien peut-être avait-elle déjà parcouru suffisament de chemin depuis son départ.
Le résultat était le même.

Un hénissement de son cheval, frissonnant dans le froid matinal qui enveloppait la vallée, chassa une partie de ses sombres pensées.
Il se reprit un peu et lâcha le pommeau de son épée qu'il caressait machinalement de sa main droite depuis qu'il était arrivé sur ce promontoire.
Serrant le poing, il marmonna quelques bribes de phrases en patois nordique, puis se dirigea vers son cheval.

La journée allait être longue. Et triste.

Cinq enfants avaient été choisi pour accompagné jusqu'au temple Nildhonca. Chacun devait apprendre de l'enseignement des Shinays, et ainsi grandir. Et tandis que Nildhonca arpentait les couloirs pour participer à la vie du Temple et s'habituer à son nouveau rôle d'Okia de l'Assemblée, les enfants bien que turbulents, tentaient de faire de leur mieux pour d'abord apprendre à connaître les Shinays : chose peu aisée.

C'est une des fillettes du Hameau qui approcha de Nildhonca, lui tirant sur le bras pour manifester sa présence.

- "Que veux tu ? Tu ne devrais pas être là... Tu as beaucoup à faire !"

- "J'ai vu... Quelqu'un... partir..."

Nildhonca ne releva pas, concentrée sur ses tâches urgentes. Mais la fillette insistait.

- "Une Dame... D'ici..."

- "D'ici dis tu ? Qui donc..."

- "J'crois qu'elle s'appelle Lauralis... "

- "Ah ? ... Merci...Retourne à tes travaux !"

La filette s'exécuta en trainant des pieds, les rêves de son Hameau plein les yeux, triste d'être séparé ainsi des autres enfants et du peu d'attention que lui accordait Nildhonca. Celle ci, quant à elle, retourna dans ses ouvrages. Elle n'éprouva ni tristesse ni interrogations. Elle ne connaissait pas Lauralis, et son absence ne se ferait pas ressentir : du moins, de son propre opinion. Elle avait croisé l'Amazone guère à plus de trois reprises dans les couloirs du Temple. Loin d'être indifférence, elle ne se sentait tout simplement pas concerné par ce départ qui pourtant, aura sans nul doute des impacts quand à la vie du Temple...

C'était la nuit, Eldanis, dans le duché, dormait. Mais son sommeil était léger, agité et ses rêves, étrangement, semblaient réalité...

Voyant, dans ses songes, une amazone l'appeler.

Le matin vient, et Eldanis, sans rien dire, va préparer ses affaires, ou plutôt les biens nécessaires à un long voyage, vers l'Hyperboréa.

Nul ne la voit, nul ne semble la voir. Avec un sourire las, résigné, mais sans faiblesse, elle lace ses bottes, ajuste le carquois sur sa jument, l'enfourche, et s'en va. Sans un regard, sans une larme; au pas d'abord, au trot ensuite. Ne pas perturber, ne pas réveiller, faire comme si tout cela, jamais, n'avait existé...