Une envie interdite

Humble voyageuse Nombre de messages : 10 Date d'inscription : 22/10/2006

Cela faisait quelque temps qu'elle y songeait... Plusieurs fois, elle avait même tenté de lui en parler, espérant que par son avis elle se trouve confortée dans son souhait, mais elle savait très bien qu'elle ne recevrait que mépris et colère si elle abordait un tel sujet. Alors elle n'avait rien dit, gardant tout pour elle, en y réfléchissant de plus en plus, en rêvant à ce que ce désir se concrétise, en imaginant sa vie, ses responsabilités, celles de ses actes et de ses paroles, de ses pensées et de ses méditations, si cela se produisait. Elle réfléchissait...

Puis elle se remémorait les temps passés, quelques mois en arrière, alors que la Reine avait disparu, alors que Tamiräh était à la tête de Rhyliendalh. Elle se rappelait de l'accord que cette dernière lui avait donné, dans le cas où elle parviendrait à être Reine. Une sorte de marché entre elles, en somme... Un échange intéressé entre deux personnes, un échange incorrect et amoral... Un échange motivé pour de bonnes raisons selon elle, mais la fin ne justifie pas tout moyen...

Mais Tamiräh n'était plus là, à présent, et il lui fallait convaincre Lyssia, ancienne et nouvelle Reine de Rhyliendalh, celle qui prenait les décisions, celle qui avait le pouvoir et la reconnaissance... Mais pouvait-elle en empêcher Lucilla ? Celle-ci n'était pas affiliée à Rhyliendalh, elle n'était rattachée qu'à son royaume, qu'à son peuple, et n'avait aucunement l'obligation d'obéir à Lyssia. Mais serait-elle capable d'affronter son regard, d'affronter son courroux, et d'assumer ses choix ?

Tamiräh aurait répondu non, si elle n'avait réfléchi et si le temps lui avait fait défaut. Une simple demande adressée à Lyssia, par lettre sur parchemin, qu'elle avait interceptée. Une demande très peu importante, et aucunement dans les priorités de la jeune elfe qui n'avait en tête que la couronne qui serait bientôt à elle. Si elle détestait Lyssia, elle ne pouvait nier qu'il existait une certaine ressemblance de comportement et de caractère entre elles : la fierté, l'intérêt, le gout du pouvoir... Tout cela coulait dans son sang et menait son combat acharné pour accéder au trône.

Et puis elle avait réfléchi. De personne noble à l'esprit simple, Lucilla était devenue une aide potentielle pour l'accession au trône de Rhyliendalh, un gage de victoire et un soutien qui pourrait s'avérer précieux en cas d'échec de suppression de la vie de Lyssia, ou de rébellion. Alors elles avaient passé un marché. Tamiräh l'avait tourné habilement, de manière à ce que Lucilla voit cela comme une sorte d'arrangement amical, une acceptation à sa requête à laquelle la contrepartie serait bien mince... L'une ayant besoin de l'autre pour arriver à ses fins, un accord était plus que nécessaire.

Tamiräh avait longuement observé Lucilla, ses manières d'aristocrate, sa douceur, sa délicatesse, sa grâce dans les mouvements, son calme... Elle avait cherché à en savoir plus sur son royaume, ses moeurs, ses habitudes, ses pensées... Et plus elle s'enquérissait de la vie de Lucilla, plus elle pensait que Lyssia était vraiment imbécile de ne guère prêter attention à cette elfe qui pouvait s'avérer d'une aide précieuse dans de nombreux domaines. Son royaume était en effet vaste, paisible, à l'armée toutefois forte afin de garantir la sécurité du royaume, extrèmement riche, et où il régnait la paix entre tous, la Princesse ayant pris soin de favoriser les relations avec ses sujets.

Appréciant de plus en plus la valeur que pouvait lui apporter Lucilla, Tamiräh avait accepté l'arrangement qui consistait à répondre positivement à sa demande, en l'échange de quoi elle-même obtenait un soutien économique et polique, et dans le pire des cas militaire. Heureuse d'avoir trouvé si bonne affaire, elle n'en avait dit mot à personne, laissant pour seule preuve quelque écrit égaré.

- Lyssia sera certainement morte, quand la lettre arrivera à destination.

Tamiräh avait calculé, médité, réfléchi longuement à la stratégie qu'elle allait mener pour s'assurer le trône de Rhyliendalh et bénéficier du soutien de Lucilla en toutes circonstances : elle ne doutait pas, au contraire de la sotte, que sa demande aurait été acceptée, surtout en l'absence de Lyssia. Du moins, elle l'espérait, pour être bénéficiaire d'une reconnaissance à vie de la part de Lucilla : elle aurait alors tout fait pour que cette dernière soit acceptée à Celerna-Ilonë, comme une dénommée Shaelia, dont elle avait peu entendu parler, qui avait vraisemblablement eu droit à une sorte de rapprochement entre elle-même et Celerna-Ilonë, ou l'intégration de sa seule personne.

Cependant, elle ne pouvait pour l'instant accorder si rapidement la victoire à Lucilla, et préférait la laisser dans la dépendance du soutien que Lyssia avait toujours refusé de lui accorder, signe de sa bêtise. Ainsi, elle s'était bien gardée d'évoquer cette demande à de multiples reprises, en affirmant à Lucilla que les demandes d'intégrations dans la guilde, et surtout pour un statut spécial, prendrait des mois, sinon des années.

Quand enfin elle sentit la victoire proche, Tamiräh appela une de ses suivantes et lui ordonna de se rendre à pied au Temple de Celerna-Ilonë porter la missive de Lucilla, consciente du temps que cela prendrait. Mais l'important était qu'elle seule atteigne son but, et accède à la souveraineté du Royaume.

Humble voyageuse Nombre de messages : 10 Date d'inscription : 22/10/2006

Princesse Lucilla a écrit:: Dame Tamiräh de Rhyliendalh,

Je vous missive ce jour car étant une proche amie de Lyssia, et ayant appris dernièrement son remplacement, temporaire mais très bien mené j'en suis certaine, par votre personne, suite à votre récente nomination par les ministres au poste de seconde de la Reine. C'est ainsi que tout naturellement je me tourne vers vous, régente de Rhyliendalh et actuelle représentante de ce beau et grand royaume à Celerna-Ilonë, noble et respectée guilde, caractérisée par la quête de la Sagesse, cause à laquelle j'adhère.

En effet, en tant qu'amie de Lyssia, j'ai longuement entendu parler de cette guilde, et suis consciente de sa valeur tant par sa finalité que par la noblesse des seigneurs qui la composent. J'ai de plus pu me rendre compte par moi-même de la beauté et de la plénitude qui habitent la Vallée des Etoiles, mes pas m'y ayant amenée dans un moment de tourmente. Mon chemin a également été guidé par Dame Lauralis, envers laquelle je suis intensément reconnaissante, et que j'aimerais rencontrer à nouveau.

Si j'osais, je retournerais à la Vallée des Etoiles, rêvant de faire un jour partie de cette guilde, si proche de mes idéaux et qui éveille en moi une passion endormie pour une Sagesse que j'estime ne pas avoir, mais que je souhaiterais acquérir.

Vous serait-il alors possible d'appuyer au sein de Celerna-Ilonë une demande de rapprochement entre ma personne et la guilde ? Mon royaume souhaite en effet rester indépendant, mais ne verra aucun inconvénient au fait que je m'investisse personnellement dans une cause que j'estime remarquable et si rare en ce monde, et que je m'engage à respecter toutes les exigences qu'un rapprochement éventuel impliquerait.

Cordialement, et avec toute mon amitié,

Princesse Lucilla

Lyssia froissa le bout de parchemin, en colère. De quel droit osait-elle... Comment pouvait-elle seulement espérer entrer dans sa propre guilde ? Etait-elle donc incapable de prendre une décision seule et sans influence ? Comment avait-elle pu oser envoyer cette missive à Tamiräh alors qu'elle-même était partie ? Qui était la Reine, qui était morte ? Et pourquoi ? La fin de la petite hypocrite n'avait-elle pas été suffisante ? Elle espérait que Lucilla comprenait toute la naïveté de son geste, de son espoir de voir Tamiräh reine et exaucer ce voeu idiot, elle espérait que Lucilla regrette cette décision, cette tentative inutile. Mais elle savait que la missive avait atteint la Vallée des Etoiles. Elle savait que la missive serait bientôt lue. Et sa candidature bientôt acceptée.

Comme plusieurs fois auparavant, Lyssia eut envie de torturer Lucilla, de la frapper jusqu'au sang, jusqu'à ce qu'elle la supplie d'abréger ses souffrances, jusqu'à ce qu'elle meure sous les coups à répétitions. Comme plusieurs fois auparavant, Lyssia regretta amèrement cette attaque lancée sur ce royaume détenu par la plus naïve des créatures vivantes, et d'avoir fait la connaissance d'une sotte qui la mettra en colère toute son existence, par sa miséreuse mélancolie et son bon coeur à vomir.

Encore une fois, prise de nausées, Lyssia s'enferma dans une vaste pièce du château, et fit les cent pas, partagée entre le profond agacement et le mépris d'une personne aussi peu respectable. Puis elle prit sa décision.