L'Arrivée du Nain

Le jardin était magnifique.
En chaque recoin, il découvrait de nouvelles couleurs accentuées par les parfums des pollens.

Quelques oiseaux voletaient entre les branches de arbres, laissant échapper de temps à autres leurs berceuses matinales.

Ca et là, de petites marres remplies de poissons aux multiples couleurs se succédaient, l'une petite et ronde, l'autre longue et difforme.
Les pousses de bambous les séparaient de quelques mètres.

A vrai dire, Perigrain n'avait jamais assisté à un tel spectacle. Hebryon et les contrées Fimbriennes regorgeaient de surprises, de beauté et de senteurs, mais le silence régnant sur les lieux se mélangeaient magistralement avec l'Histoire qui en ressortait.

Le Nain était seul, désireux de se rendre au sein de sa nouvelle guilde séparé de ses frères, empruntant les chemins noueux qui y conduisaient à pieds. Une sorte de pèlerinage pour oublier les douleurs de la guerre.

Perigrain n'avait rencontré aucun résident depuis son entrée dans le temple, mais cela ne l'empêcha pas de parler à voix forte, espérant que quelqu'un lui répondrait.

"Bonjour à vous, Shinays et Moki.

Je me présente, même si je pense que votre grand chef Ulrik vous a déjà parlé de moi.
Mon nom est Perigrain, Roi de Fimbrie siégeant en sa capitale d'Hebryon, cité qui rassemble en ses murs quantité d'êtres de tout bord.

Je finis avec cette arrivée dans votre temple mon voyage à pieds, long de plusieurs jours.

Pouvez-vous m'offrir hospitalité et confort en votre région ?"

Eldanis était très présente au Temple en ces temps troublés. En effet le duché dont elle avait la charge n'était pas militairement menacé, aussi faisait-elle le lien avec les autres dirigeants de domaines Mokis, pour leur apporter informations et ressources si besoin était, et réconfort aux quelques réfugiés qui s'étaient montré aux abords du Temple.

Mais ce n'était pas là un réfugié qui se présentait, mais bien le nouvel initié de Celerna-Ilonë, le roi nain Perigrain, qu'il s'agissait d'accueillir comme il se devait en ces lieux.

S'avançant vers lui, Eldanis lui dit avec un grand sourire, presque menaçant tant ses dents étaient brillantes :

-"Bonjour, messire Peregrain, bienvenue à vous au Temple de la Sagesse.

Je me nomme Eldanis, hyperboréenne et actuelle co-régent du duché de Lux.

L'hospitalité n'est pas de mise, puisque vous vous trouvez ici chez vous, parmis vos pairs et vos supérieurs. Toutes les salles ne vous serons ouverte, tout du moins à vos débuts, mais une large part du batiment est à votre entière liberté de mouvement.

Nul doute qu'on a prévenu les autres Mokis et Shinays de votre arrivée, et qu'ils se montreront sous peu.

Alors très cher, et si vous me racontiez comment vous décidates d'entrer dans notre assemblée, vous et votre peuple qui ne me sont que peu connus ?"

Tout en étant à ses réflexions, Otésya en pénétrant dans le jardin pour la première fois, se ferma les yeux et huma l'air profondément afin de s'emplir les poumons des doux parfums de ce jardin dont on lui avait tant parlé. à ce que l'on disait, on atteignait en son coeur une quiétude et une paix inatteignable en d'autres lieux. Elle en avait besoin de cette quiétude, son coeur était tourmenté pour son Royaume et pour ses amis qu'elle avait laissés, en d'autre lieux à une époque fort lointaine. Qu'il était lourd l'exil. Nul ne pouvait soupçonner le chagrin qui l'assaillait parfois.

Les yeux toujours fermés, elle tentait de ne faire qu'un avec ce lieux, comme elle l'avait déjà fait jadis là-bas, elle ne voulait pas se laisser assaillir par les souvenirs.

Enfin, le pire est évité, une fois encore, Otésya ne pleurera pas. Au moment où elle s'apprêtait à ouvrir les yeux, elle prends conscience que l'on parle dans le jardin, elle n'est pas seule, comme elle le croyait.

"Allons bon, il est temps de faire face, le repos et la quiétude seront pour un autre jour, je reviendrai visiter ce jardin et pourrez en faire profiter mon regard".

Elle ouvre les yeux, recherche de quel endroit proviennent les voix. Elle apreçoit soudainement Eldanis qui discute avec ce qui lui semble être un enfant,

"Un enfant ici au temple! C'est étonnant, l'heure doit être grave, bon alors assez rêvassé allons voir."

En s'approchant, elle constate qu'Eldanis sourit, nullement alerté, et que l'enfant en fait n'en est pas un, mais bien c'est un nain, quelle méprise!


Bonjour Seigneur, vous êtes sûrement Perigrain du Royaume Hebryon, je suis enchanté de vous connaître, alors nous sommes maintenant compagnons, il est rafaîchissant que d'autres hommes joignent nos rangs. Vous savez, j'ai joins la guilde depuis peu et je gravis le parcours de la sagesse. Je constate que celui-ci est ponctué de surprise et que c'est la diversité de nos royaumes qui font en sorte que nous résussirons cette quête. Nous avons beaucoup à apprendre les uns , les autres.

Ce nain, fit une forte impression à Otésya, bien qu'il soit nouvellement arrivé, il devait déjà être dans le jardin depuis un bon moment, il avait sûrement eu le temps de goûter à sa quiétude. Tout en lui respirait la paix., Otésya avait déjà hâte de l'entendre discourir et répondre à la question qu'elle avait entendu de la part d'Eldanis.

La réponse ne tarda pas. Se retournant pour voir d'où provenait la voix, il vit s'avancer vers lui une jeune dame répondant au nom d'Eldanis.

Le nain la remercia de ses politesses et lui expliqua par la suite comment avait commencée cette histoire.

"A vrai dire, cela ne fait que deux semaines que je siège sur le trône de Fimbrie. J'ai dévalisé la bibliothèque royale d'Hebryon de tout les manuscrits rapportant une quelconque aide sur la gérance d'un royaume, et les ai dévoré les uns après les autres.

Cependant, plusieurs seigneurs ne m'ont pas laissés plus longtemps répit et les premiers affrontements à mes frontières ont bientôt eu lieu. Je n'avais sous mes ordres que quelques dizaines de gardes et de soldats, à vrai dire le minimum pour faire respecter les lois dans les contrées fimbriennes.

Je réengageais chaque jour de nouveaux nains pour regarnir les rangs, mais une semaine durant, les combats firent rages, chacun en mes propres terres.

Il était donc devenu nécessaire de mettre mon peuple en sécurité, et après moult lectures de parchemins, j'ai enfin découvert le votre. Et à travers, je n'ai pas seulement découvert un abri, mais un lieu qui me plaisait et une culture rassemblant mes idéaux. Moi et les miens trouverions donc chacun ce que nous cherchions à Celerna-Ilonë."

Finissant son discours, un deuxième bruit parvint de sa gauche, et tournant la tête dans cette direction il vit venir une seconde dame. Sa voix était douce et elle marchait d’un pas léger.

Perigrain se courba devant elle.

"Merci de vos paroles, douce personne."

Ulrik cherchait Dame Lyssia, l'Isha de la guilde, afin de lui demander de lui transmettre un rapport qu'il attendait sur diverses activités dont il avait entendu parler... Mais cette dernière étant introuvable dans l'enceinte du temple, il avait pris le parti d'en sortir et de vérifier par lui-même si elle ne flânait pas dans les jardins.

Cela lui donnait ainsi l'occasion de se dégourdir les jambes (ces dernières commençaient à s'atrophier par le double effet de l'âge avancé de leur propriétaire et de son inactivité... les jambes de Nordique n'étant manifestement pas conçues pour rester sous un bureau toute la journée) et de redécouvrir un peu l'environnement proche du temple. Il n'en était finalement assez peu sorti (à part pour guerroyer ou gouverner son royaume, évidement), en tout cas n'avait jamais pris le temps de parcourir les jardins attenant au domaine constituant le coeur du temple de la sagesse de Celerna.

Effectivement, il ne put que constater que l'environnement était agréable et reposant. Trop reposant, d'ailleurs... Peu ou pas de bruit, seul le vent agitait les feuilles des arbres et arbustes qui recouvraient de leur ombre légère les divers plans d'eau et les jardins qui s'étendaient à perte de vue.
Pas de pluie, pas de neige... Le temps était doux. Quelques oiseaux, quelques insectes, l'on devinait la présence de rongeurs guettant le départ du Nordique pour ressortir de leurs terriers.

- "Hum... Mais c'est nul, ici !", s'exclama finalement le Nordique, "Voilà je ne sais combien d'années que je fais partie de cette guilde, je ne sais combien d'années que je la dirige en temps que Grand Shinay, et j'ai l'impression d'être dans un royaume d'Elfe !"

Dépité, il regardait autour de lui. Apercevant un massif de fleurs toutes plus épanouies les unes que les autres, il ne put s'empêcher de saisir machinalement le manche de sa hache, par réflexe…
Le calme et la quiétude de l'endroit l'angoissaient. Il était en train de se demander comment il allait rédiger le prochain paragraphe de la charte de la guilde régissant l'ordonnancement extérieur du temple (il réfléchissait aux moyens qu'il pourrait employer pour faire venir de la neige d'Hiskvargd jusqu'ici, des rennes et quelques forêts de conifères…), lorsqu'il perçut un bruit provenant de derrière une futaie. Tous sens aux aguets et conservant sa main sur la poignée de sa hache, il s'approcha doucement.

Manifestement, ils étaient plusieurs… Des espions ? Des comploteurs ? Des assassins ? Ah, mais c'est que le Grand Shinay allait leur montrer qu'il vendrait chèrement sa peau !
Arrivé à quelques cinquante mètres de l'endroit, il sortit sa hache de sa ceinture et se prépara à lancer son cri de guerre. Brandissant son arme, il prit une grande inspiration, fixant les individus qui discutaient entre eux…
Qui discutaient…
Qui discutaient calmement, en fait.
La hache toujours brandie, il prêta un peu plus l'oreille aux conversation que la brise légère ramenait à ses oreilles (il avait perdu de l'acuité auditive avec l'âge, mais ses oreilles percevaient encore assez bien les sons humains) : "Merci", "Bonjour", "Sagesse"…

L'air penaud, Ulrik rabaissa lentement son arme, en faisant le moins de bruit possible.
Ayant repris un semblant de contenance (remis sa hache à sa ceinture et retrouvé un rythme cardiaque ordinaire), il bomba le torse, assura sa dégaine et s'avança dignement en direction du groupe de Mokis qui discutait.

A portée de voix, il s'annonça bruyamment :

- "Mes chers Mokis, je…" il s'interrompit en voyant Périgrain, puis reprit : "Oh, mais comme c'est attendrissant ! Un bambin dans le temple… Et voici nos deux Mokis en train de lui enseigner la sagesse !"

Devant les regards perplexes de ses interlocuteurs, le Grand Shinay se rendit compte qu'il y avait un problème… Il remit la main sur sa hache : non, elle était bien à sa place. Il épousseta sa fourrure, se passa la main dans les cheveux : rien ne clochait de ce côté là non-plus.
Tentant de repérer, dans les yeux de ses interlocuteurs, ce qui pouvait provoquer leur émoi, il croisa le regard de Périgrain...

Non, ce n'étaient pas des yeux d'enfant. Non, la barbe qu'il portait n'était pas un déguisement préparé par deux Mokis en train de le materner…

L'espace d'un instant, il se demanda s'il n'aurait pas mieux valu pour lui qu'il charge dans le tas avec sa hache, comme il l'avait initialement prévu : certes, c'eut été une gaffe, mais au moins il pouvait toujours essayer de la maquiller en expliquant qu'ils avaient été agressés… Là, il allait bien falloir qu'il s'explique et tente de justifier sa bévue auprès du nouvel arrivant.

- "Hum… Euh, Bienvenue parmi nous, Roi Périgrain de Fimbrie ! Et, euh… Ca vous fait quel âge, déjà ? (c'est fou comme ça passe vite, hein ?)"

Lyssia était restée au chevet de sa fille malade le temps qu'elle avait pu. Et puis, au bout du douzième appel d'un de ses majordomes et de ses conseillers, elle avait enfin quitté la chambre de Grinaë à contrecoeur et maudissant tous les responsables directs ou indirects de sa présence obligatoire à la Vallée des Etoiles.

Arrivant par le jardin, elle fut spectatrice d'une curieuse et amusante scène qu'elle n'avait voulu interrompre, souhaitant voir jusqu'au le Grand Shinay, le plus sage et raisonnable de la guilde, le représentant de la Sagesse qui ne doit - en principe - faire aucun faux pas ; se rendrait ridicule. Elle était presque déçue qu'Ulrik-le-fort range sa hache, et s'était approchée pour profiter du spectacle, ce qui lui permit d'entendre la gaffe hilarante du chef de guilde. "Quelle belle image de Celerna-Ilonë le chef en donne-t-il aux petits nouveaux... Ce genre d'actions est à applaudir."

Lyssia arriva parmi le petit groupe et salua Eldanis et Otésya avant de se tourner vers Perigrain :

- Mon très cher Roi, je me nomme Lyssia, je suis Reine de Rhyliendalh et Isha de Celerna-Ilonë. Je suis infiniment ravie de vous voir parmi nous : sachez que votre venue emplit mon coeur de joie, et l'attente qui aujourd'hui est fort heureusement finie de vous voir nous rejoindre m'est apparue comme interminable. Comment s'est déroulé votre voyage ? J'espère qu'il ne vous a guère été trop pénible, et sachez que nous sommes réellement honorés de votre venue qui était - je vous l'assure - connue de tous.

Alors que le Nain se redressait après avoir salué la dame, il vit s'approcher de sa droite un homme bourru, une imposante barbe épousant son menton et une hache bien aiguisée.

Perigrain entendit quelques mots lâchés comme "bambin" et "âge". Il en déduisit donc :

"Vous connaissez vous aussi les Paires Nouéèl ? Je croyais qu'ils étaient originaires des terres plus au Nord, et leurs présences se font bien rares en ces derniers temps !"

Mais Ulrik se reprit et s'exprima d'un discours plus courtois. Ravi d'être reconnu, le Nain lui adressa un grand sourire et lui répondit :

"Pour l'instant je ne compte que deux cent quatre-vingt quatre automne -comme l'on dit en Fimbrie- et j'avoue être considéré comme trop jeune par certains de mes sujets pour disposer du trône fimbrien. Mais qu'importe, en entrant dans votre sanctuaire, j'ai déjà gagné quelques soutiens supplémentaires venant de leur part."

C'est alors qu'une cinquième personne arriva dans le cercle, une nouvelle dame. Il prenait maintenant pleinement conscience de la dernière lettre du grand chef Ulrik.

"J'en suis de même ravi, veuillez le croire. Le voyage s'est déroulé paisiblement, bien que la longueur m’est laissé à languir dans les derniers jours. Mais je suis honoré et heureux d'être parmi vous, de plus au vue de votre beauté."

Visiblement l'incident était clos, le jeune Moki ne semblait pas s'être vexé outre mesure de sa bévue. Le Grand Shinay répondit alors calmement à son interlocuteur :

- "Les Paires Nouéèl... Hum, oui, ça me dit quelque chose... Je crois bien qu'il y avait une tribu s'appelant comme cela, avant, dans le nord de mon royaume. Mais ils martyrisaient les rennes en s'en servant d'animaux de trait, donc quand on a vu ça, on les a massacré jusqu'au dernier. Mais il y a déjà plusieurs décennies de cela.
Dasn tous les cas, vous me voyez ravi de savoir que l'arrivée de votre royaume dans notre guilde vous a permis d'asseoir votre autorité sur vos sujets. Cela vous permettra de les rendre plus receptifs à la sagesse, je n'en doute pas."