Divico, fils d'Ildiko et de Barios

Un jeune garçon blond au manteau vert et à la fibule des hommes d'Ouidia arriva devant le temple de Celerna-Ilonë. Il portait sur ses épaules une toison de mouton et il était accompagné par deux hommes en arme richement équipés.

« Alors c’est ça le temple de Celerna ! »

Il se décida alors à entrer dans la bâtisse, il continua à marger dans le couloir ignorant les disciples mokis qui tentèrent de l’accoster pour lui souhaiter la bienvenue. Il les dévisagea d’un regard méprisant et continua son chemin jusqu’à la salle de discussion. La salle était vide, seuls quelques disciples s’affairaient à nettoyer la salle. Un des Mokis l’aborda et lui demanda s’il ne pouvait faire quelque chose pour être agréable à ces visiteurs.

« Sers nous de quoi boire ! Et amènes nous aussi de quoi manger !
Ce voyage fut long et fatiguant. Il n’est point aisé de venir jusqu’en ces lieux. »

Ils s’installèrent à une table attendant d’être servit. Le Moki arriva alors les bras chargés de boissons et de victuailles. Les hommes trinquèrent et burent à satiété puis s’attaquèrent aux plats garnis de denrées.

L'automne était magnifique dans les jardins de Celerna-Ilonë.
Teintés de tons allant du jaune d'or au pourpre le plus profond, les feuilles tombaient des arbres et recouvraient le sol d'un tapis rougeoyant. Marchant sur le sentier couvert de ces feuilles mortes, Lauralis revenait maintenant au temple. Prévenue de l'arrivée d'une délégation ouidianne, elle se devait comme chaque moki de faire au mieux pour accueillir les nouveaux arrivants.

Arrivant devant le temple, elle souleva légérement sa robe grise pour monter les quelques marches de l'entrée.
A l'intérieur, elle avança vers la table couverte de victuailles où s'empiffraient déjà les voyageurs.

"- Messires... Je vous souhaite en mon nom et en celui de la Tianka la bienvenue en ce lieu. Puis-je connaître la raison de votre venue en ce lieu, si cependant celui-ci est autre qu'une simple étape gastronomique en votre voyage..."

Sur ces paroles, elle effectua une gracieuse révérence. Mais son regard inquisiteur se durcissait, malgré le large sourire qu'elle arborait...

Alors que les hommes d’Ouidia se restaurèrent avidement, une amazone vint à eux. Elle s’adressa poliment et courtoisement mais son regard montrait une quelconque méfiance à leurs égards. Divico prit le temps de la regarder, étudiant ses moindres traits ; puis il se leva de table et la salua comme il se doit, les deux autres hommes firent de même.

« Je suis heureux de rencontrer une représentante de la Tianka Elyria.
Je suis Divico, fils de Barios le furieux, fils de Boios le frappeur, fils de Boiorix roi des Dusiovices ; je suis Divico, fils de la reine Ildiko, Okia de Celerna-Ilonë, fille de Dusios le terrible ; enfin je suis Divico le vainqueur de Constantin. »

Il se tourna alors vers le plus grand des deux hommes. Cet homme portait à la ceinture une puissante épée rangée dans un splendide fourreau aux motifs équestres, il portait également une magnifique cotte de maille en argent et avait posé contre le mur une longue lance ainsi qu’un bouclier de bronze.

« Je vous présente Cuno, fils d’Eporedos, chef des armées de la province de Litania. »

Puis montra son autre compagnon de voyage. Celui là portait une belle cotte de maille en argent et à la ceinture pendait une large épée dans un fourreau sertit d’or. L’homme paraissait plus âgé que les deux jeunes hommes et son visage évoquait la sagesse.

« Voici Barnaunos, juge et sage en Brogia.
Nous sommes venus ici par curiosité !
En effet, jusqu’à maintenant seuls Vaturus, Ildiko et Cannatos se sont rendus en ces lieux. Nous ne connaissons rien de ce Temple et de ce qui est fait ici, à part le fait qu’ici sont prises les décisions concernant la guilde dont fait partie notre royaume. Ce lieu nous est secret et nous aimerions savoir ce qui pousse ma mère à se rendre parfois ici, ce qui pousse notre reine à vous suivre dans cette voie qui est la votre. »

Lauralis inclina la tête en signe de salut à la citation de chacun des noms des nouveaux arrivants.
Puis elle revint à Divico avec un sourire amical quoiqu'empreint d'ironie lorsque celui-ci admit son incompréhension de la voie qu'avait suivit sa mère.

"- Hé bien, nobles sires d'Ouidia, je ne peux répondre à de telles questions... Mais si vous demeurez ici quelques jours ou quelques années, peut-être trouverez-vous la réponse à de telles interrogations."

Devant le regard intrigué du prince elle ajouta, amusée:

"- Cherchez-la en vous, pas ailleurs..."

Sur ces mots, elle saisit une pomme qui se trouvait sur le plateau qu'avait apporté le prêtre et mordit dedans.

Barnaunos s’avança et scruta le visage de l’amazone croquant sa pomme. Le sourire de l’amazone l’irritait et il se sentit comme ses compagnons, offensé par l’air amusé de la représentante des terres d’Hyperborea.

« Je crois que vous prenez la chose un peu trop à la légère, Dame du nord.
Je ne sais si je vous l’apprends mais les décisions importantes du royaume d’Ouidia sont prises par un conseil de quinze membres.
La reine a le soutien des trois représentants de la province de Brogia par reconnaissance envers Ildiko pour les avoir jadis sauvés de la mort, elle a également le soutien des princes de provinces par loyauté envers la maison de Boios. Tous la suivent par loyauté ou reconnaissance et seul Vaturus et Akichorios ont réellement foi en ce Temple, les autres représentants du conseil restent septiques à l’égard de l’Alliance.
Si nous venons ici c’est parce qu’un jour Divico montera sur le trône et dirigera les quatre provinces d’Ouidia et s’il n’est convaincu par l’utilité de cette guilde il la quittera. »

Cuno ajouta alors :

« Ildiko, notre reine, est déjà lasse de gouverner. Ce rôle ne lui convient guère, elle qui depuis des temps immémoriaux régnait sur un troupeau de brebis ; vivant de chants et de jeux.
Bientôt elle abdiquera pour Divico et il serait plutôt d’avis de penser qu’il faille laisser la sagesse aux druides. »

Lauralis regarda un long moment en silence Barnaunos, le laissant prendre conscience de ce que sa pomme avait de dérisoire au vu de ce qu'ils avaient bu et s'apprêtaient à manger. Toujours souriante, elle reprit:

"- Ridendo dicere verume quid veras [qui empêche de dire les choses en riant] ?
Croyez-vous que je prenne légèrement un fait qui concerne de manière similaire mon peuple, les amazones ? Leur esprit d'indépendance n'a sans doute rien à envier aux ouidiens..."

Croisant ses mains, elle reprit d'un ton grave cette fois:

"- Je n'essaierai pas par des paroles de vous convaincre d'entreprendre avec nous cette quête de sagesse que nous entreprenons. Le ton était léger mais les paroles justes. La réponse à vos interrogations ne se trouve que dans vos coeurs et vos esprits...

Ce lieu peut vous aider dans votre reflexion, mais la sagesse ne se trouve pas ailleurs qu'en vous."

Lauralis se tut. Elle aurait pu parler de l'énergie qui leur permettait des prodiges, de cette union qui avait protégé les royaumes de la guilde de nombre de leurs agresseurs... Mais à quoi bon ?

Les choix doivent être sincères...

De toute l’assemblée, Cuno semblait le plus irrité. Il n’aimait pas trop cette amazone au fort tempérament et lui fit comprendre en lui adressant un regard furieux.

« Dame, nous ne sommes pas "ouidiens" mais Dusiovices du peuple des Cétions, nous ne sommes point lié à une terre comme en sont esclaves de nombreux peuples.
Je crois que nous avons fait fausse route en venant ici, partons !
Nous ne sommes restés que trop longtemps en ce lieu que la sagesse a quitté. »

Il se retourna et s’empara de son bouclier et de sa lance puis se dirigea vers la sortie bousculant au passage un Moki. Divico semblait quant à lui intrigué par l’attitude et les paroles de cette étrange femme. Il lui paraissait qu’une aura se dégageait de ce Temple,une sorte d’énergie qu’il pouvait deviner mais dont il ignorait tout.

« Attends Cuno !
Je crois que je vais rester encore un peu dans ce temple. Nous avons fait un long voyage et j’aimerais profiter d’un peu de repos en ces lieux. »

Le visage du druide qui jusque là semblait si austère s’illumina alors d’un sourire. Il rassit à la table et prit lui aussi une belle pomme, puis il croqua dans celle-ci à belles dents.

« Souris Cuno ! Ranges tes crocs !
Je crois pour ma part que notre voyage ne fut pas vint. Reposes tes armes et viens finir ce repas. Il est bon de rire, le rire mène qui sait rire sur la voie de la sagesse. Alors assieds toi et apprends à rire ! »

Il regarda Divico avec un œil malicieux, un œil qui avait perçu le changement qui s’était opéré à l’intérieur du jeune prince. Ce petit apprenait vite. Puis le vieux sage éclata de rire entraînant Divico avec lui dans son fou rire et laissant Cuno dans un profond trouble. Le guerrier reposa ses armes et termina son repas avec un air désabusé.

Observant silencieusement le débat, Lauralis esquissa un sourire. Elle finit sa pomme puis s'approcha de Cuno qui fixait son assiette vide d'un regard innexpressif.

"- Allons, messire Cuno fils d'Eporedos, n'affichez pas un air si désespéré. Vous n'avez presque rien vu ni ressenti encore de cet endroit. Le jugement hâtif est le pire que l'on puisse faire..."

Le regardant dans les yeux elle afficha un large sourire:

"- Ne m'accompagnerez-vous pas un moment ? Je vais dans les jardins et il y a mille merveilles et essences rares à y voir... Je serais honorée qu'un grand guerrier Dusiovice comme vous m'y accompagne."

Se relevant, elle lui tendit son bras.

Cuno se demandait quelle magie avait bien pu s’abattre sur Barnaunos et Divico. Le sortilège devait être d’une rare puissance pour qu’un druide s’y laisse prendre. Et maintenant le druide qui lui avait semblé auparavant si sage riait comme le ferait un fou ou un enfant. Ils n’auraient jamais du mettre les pieds dans ce temple.
Cette situation l’énervait et prendre l’air lui ferait le plus grand bien. Et c’est justement ce que lui proposa la sorcière amazone. Rien que l’idée de sortir dans les jardins avec cette femme le révulsa. Mais que faire d’autre sinon d’attendre ici et contempler la sagesse s’évader de l’esprit de ses compagnons. Au moins en éloignant la sorcière il pourrait espérer épargner ses compagnons du sort lancé et la magie de cette amazone n’avait pas de prise sur lui donc il ne risquait rien de s’aventurer seul avec elle.

« Je crois que marcher un peu ne pourra me nuire !
L’air au dehors est sans doute moins nauséabond qu’ici. Partons nous promener dans ce jardin, gente Dame. Faites moi visiter ces jardins, montrez moi les merveilles de ces lieux ! »

Barnaunos émit un soupir. Cuno avait su se montrer plus sage par le passé. C’était un grand guerrier mais il s’était fermé à tout ce qui venait de Celerna-Ilonë, il ne pouvait être réceptif à l’énergie qui se dégageait de ces lieux. Beaucoup parmi les chefs de clans et de cantons lui avaient mis en tête que tout ce qui venait du Temple ne pouvait être que mauvais. Beaucoup parmi les guerriers d’Ouidia désapprouvait cette politique de neutralité pacifique. Peut être l’amazone pourrait-elle le convaincre ?

« Et bien nous vous rejoindrons plus tard. Divico et moi même allons rendre visite au héraut Cannatos, ambassadeur d’Ouidia. »