Devenir vieux est une vieille maladie,
on le redit avec certain mépris;
Mais d'en guérir nul n'en ressent l'envie,
Combien sont morts faute d'en être pris.
Mal bienvenu dont on maudit le terme,
tu m'apparais comme un bienfait des cieux;
Sans te presser, je t'attends de pied ferme,
oh, viens à moi, je veux devenir vieux.
Quand on est vieux, l'oreille devient dure;
que de vains bruits dont on est délivré;
l'oeil s'obscurcit, quelle heureuse aventure!
L'esprit souvent en est plus éclairé.
Dans le silence on fait tomber les voiles
qui nous cachaient les mystères des cieux,
et sans la nuit qui verrait les étoiles?
S'il plaît au ciel, je veux devenir vieux.
De la bonté l'on rêve la figure
en cheveux blancs, vieux minois et sans fard;
Le sens commun, ce cri de la nature,
dit:"un bon vieux", pour parler d'un vieillard.
Dès le printemps la fleur veut qu'on espère,
avec l'hiver un fruit mûr vaut bien mieux;
Les vieux amis sont les seuls à me plaire:
S'il plaît au ciel, je veux devenir vieux.
Devenir vieux, c'est marcher vers la tombe,
finir plus tôt, n'est-ce pas y courir?
En un matin le tendre lit succombe,
mais le grand chêne un siècle doit fleurir.
En vieillissant l'homme enrichit encore
de ses vertus le trésor précieux;
Et quel beau jour finit avec l'aurore?
Le soir me plaît, je veux devenir vieux.
texte retrouvé dans la Bibliothèque de Sahith, auteur inconnu